Volume1, numéro 7, Mars-avril 1998

En parallèle avec le Forum Communautique sur les expériences de télématique communautaire, l’équipe du CommInfo vous présente dans ce numéro deux organismes menant des expériences intéressantes au niveau canadien: Télécommunautés Canada et le groupe «franco.ca». Ces deux organismes se ressemblent par leur vocation pan-canadienne, mais se distinguent par leur mission, leur rôle et par les contenus qu’ils diffusent. Le premier est un rassemblement de réseaux communautaires, visant au développement d’une perspective politique, alors que le second a une vocation de soutien à la diffusion de contenus par Internet.

 

Télécommunautés Canada

Télécommunautés Canada est un OSBL qui regroupe un grand nombre de réseaux communautaires principalement au Canada anglais, notamment les libertels (Free-Nets). Sa mission consiste à «soutenir des initiatives locales d’implantation de réseaux communautaires, afin d’assurer la participation de tous les Canadiens et Canadiennes aux réseaux communautaires et qu’ainsi, ils et elles puissent avoir accès à des services télématiques publics». Télécommunautés s’est également donné un rôle de représentation politique. Elle vise à défendre et à promouvoir les intérêts des réseaux communautaires au niveau canadien et international.

Officiellement fondée en 1995, cette association d’associations oeuvre depuis 1994 à la mise en forme d’une «stratégie à long terme pour le développement des réseaux communautaires». Pour ce faire, elle participe régulièrement aux audiences du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). À titre d’exemple, elle a présenté un mémoire aux audiences sur la convergence et l’inforoute en 1995, «A domain where thougth is free to roam: social purpose of community networks» (Un domaine où la pensée est libre de vagabonder: la vocation sociale des réseaux communautaires). Les représentants de Télécommunautés ont alors habilement défendu l’idée suivante: les réseaux communautaires constituent un vecteur important et essentiel pour que la transition de la société vers une société de l’information se fasse sans exclure une partie importante de la population.

Par ailleurs, Télécommunautés Canada organise également des rencontres, des colloques et des conférences, depuis 1994, autour de la thématique des réseaux communautaires. Ces moments de concertation sont au centre des activités de Télécommunautés Canada. La dernière rencontre a eu lieu à Halifax en août 1997. Elle réunissait des participants et des participantes de tous horizons (responsables de projets d’accès communautaires, observateurs, fonctionnaires,…), pour discuter des «partenariats… techniques, financiers et organisationnels … nécessaires à la mise en place et au maintien d’un réseau communautaire.» L’objectif consistait à trouver des moyens de stimuler le développement d’une culture technique afin de permettre à l’ensemble de la société de fonctionner pleinement dans une société de l’information. À cet égard, les participant-e-s de l’atelier portant sur l’accès universel ont formulé une série de conclusions intéressantes. Voici un résumé de celles qui abordent des pistes de financement pour les réseaux communautaires, en regard d’une stratégie politique, globale et à long terme. Les participants et les participantes ont suggéré neuf modèles possibles de financement.

  1. Le modèle 911 (sic). Le service 911 est un exemple de service public accessible universellement. Il est financé à même une taxe incluse dans les frais d’abonnement au service téléphonique. Une taxe semblable pourrait être instaurée pour financer l’accès communautaire.
  2. La taxe apparente. Une taxe de 10$ par mois par foyer permettrait de dégager cent onze millions de dollars, pour financer un réseau public d’accès. Cette solution a été présentée comme «politiquement invendable».
  3. Le modèle du service public. Ceci consisterait à promouvoir l’idée que les services télématiques sont des services essentiels au même titre que l’électricité et l’eau.
  4. L’exemption de taxe. Promouvoir la mise en place d’une politique de crédits d’impôts pour les dons aux réseaux communautaires.
  5. Le partenariat multiple. Ce modèle vise à réunir gouvernements, entreprises privées et ONG afin de négocier la part de chacun dans les rôles et les responsabilités quant au financement de l’accès aux services télématiques. Télécommunautés appuie l’essentiel de son action sur ce modèle.
  6. La création d’un fonds d’accès universel. En s’inspirant du modèle américain (le Telecommunications Act de 1996), demander aux gouvernements d’obliger les compagnies de télécommunication, de radiodiffusion et câblodistribution à verser 1% de leurs revenus, pour financer des initiatives locales d’accès aux réseaux.
  7. Le modèle de la télévision communautaire. Promouvoir la création d’un fonds, par l’obligation faite aux entreprises commerciales de financer les contenus des réseaux communautaires.
  8. La négociation du prix équitable. Amener les pouvoirs publics à redistribuer des fonds, éventuellement prélevés sur le trafic des réseaux, aux usagers non commerciaux.
  9. La négociation du partage des retombées. Le développement des réseaux télématiques commerciaux et gouvernementaux ont permis d’obtenir des gains de productivité, qui se traduisent par des économies financières. Celles-ci devraient être partagées équitablement avec les réseaux communautaires.

C’est également lors de la rencontre de Halifax que Télécommunautés a signé une entente de collaboration avec le ministère de l’Industrie (Canada). Cette entente formalise les liens déjà étroits existant entre ces deux entités et elle vise à favoriser l’émergence des réseaux communautaires. Ainsi, Télécommunautés Canada est devenu officiellement l’interlocuteur privilégié du gouvernement fédéral en matière d’inforoute communautaire. En outre, cette association a pour mandat d’étudier les demandes de financement dans le cadre du programme d’accès communautaire (PAC) et ensuite de formuler des recommandations au gouvernement canadien.

En bref

La prochaine rencontre organisée par Télécommunautés devrait se tenir à Calgary en août 1998.

Télécommunauté Canada est présidé par Micheal Gillespie. Aucun représentant des réseaux québécois ne siège sur le «Board of Directors».

Aux dernières nouvelles, Télécommunautés regroupait une soixantaine de réseaux sous sa houlette.

Au moins deux documents disponibles sur le site de Télécommunautés valent le coup d’oeil:

«What Community Networks are all about», de Garth Graham, qui donne un éclairage intéressant sur le rôle social des réseaux communautaires.

«Rethoric and Reality in Canadian Community Networking» de Garth Graham et Leslie Reagan Shade, qui reprennent les idées développées lors de la rencontre de Télécommunautés à Montréal en 1996, soulignant l’écart entre les préoccupations des groupes communautaires et celles des élites, en regard du déploiement de l’inforoute.

Télécommunautés a recensé 126 libertels au Canada. Il y en a quatre au Québec, trois à Montréal (Le nouveau Libertel, le club libertel de Montréal, Neighbor.Net OnLine Community) et un à Rimouski (Le libertel de Rimouski).

La francophonie au Canada

Les francophones du Canada se sont donné plusieurs points de rencontres virtuels sur le Web, dont le site «franco.ca». À l’origine, ce site servait de vitrine sur le web pour plusieurs organismes qui n’avaient pas les moyens de se doter d’un site et de le faire héberger. Franco.ca offrait donc un soutien à une appropriation de la télématique par des groupes francophones et acadiens. Une quinzaine d’organismes ont ainsi fait leurs premiers pas sur Internet. Franco.ca héberge, entre autre, le site l’Association des radios communautaires (ARC). Les partenaires du projet bénéficient également d’un service de courrier électronique.

Un nouveau groupe, Concept art, dirigé par Sylvio Bourbeau, a aujourd’hui pour mission de veiller à la pérennité du projet, en recherchant des commandites, par exemple. Les services de franco.ca seront désormais tarifés, on songe notamment à offrir un service de conception de sites. Toutefois, il est envisagé d’offrir un service de babillard gratuitement. À suivre…

Il existe d’autres espaces virtuels francophones, dont celui de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF). Ce site a une vocation particulière, celle d’«assurer et de maintenir de façon continue l’évolution culturelle et artistique des communautés francophones du Canada vivant en milieu minoritaire… En offrant un lieu d’échanges qui encourage l’imagination et la création…».

La FCCF offre une gamme de services pour les artistes et les organismes oeuvrant dans le développement culturel: «La diffusion de produits culturels; le développement culturel communautaire; la coordination, la concertation et la représentation; les communications et l’administration.» C’est dans cette perspective que la FCCF s’est jointe à plusieurs initiatives du milieu culturel franco-canadien, comme l’Association des diffuseurs de produits culturels, par exemple. La FCCF a également mis sur pied le programme Coup de Pouce, «un service de développement et d’appui au secteur culturel.» Le site de la FCCF loge dans un plus grand espace virtuel, celui de Francoculture. Le site francoculture.ca héberge une publication électronique d’intérêt général, l’Électron et une autre vouée à la culture, À vue d’oeil.

Le web en bref:

L’Université virtuelle francophone a ouvert ses «portes» le 15 avril 1998. Piloté par l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française, il s’agit d’un projet aux horizons prometteurs.

Un nouveau site en reconnaissance des acquis: celui du Réseau national d’éducation des femmes, basé à Gloucester en Ontario. On y trouve notamment une bibliographie commentée sur la littérature francophone disponible en reconnaissance des acquis et un répertoire des services et des programme offerts dans les maisons d’enseignement postsecondaire, francophones ou bilingues, en milieu minoritaire au Canada.

Jean-Pierre Cloutier, autrefois maître d’oeuvre des Chroniques de Cyberie, vient de publier un rapport sur «le financement des sites Web a contenus au Québec». Un document intéressant, notamment pour le portait historique de l’Internet au Québec, et dans lequel l’auteur avance une idée audacieuse: la création d’une «chaîne» web d’État.

Le Réseau de protection du consommateur (RPC) et la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB) lancent officiellement leur sites ce mois-ci, les 28 et 24 avril respectivement. À surveiller…

Rédaction : Philippe Tousignant

Collaboration : Christophe Bonnal et Francine Pelletier

Un projet de l’Institut canadien d’éducation aux adultes et de la Puce communautaire