Mobilisons les femmes pour mettre Internet au service du progrès.

© Recto Verso, 2002 – Extrait du No 298, septembre – octobre 2002

Par Colette Lelièvre (cybersolidaires.org)

Les féministes se mobilisent pour s’emparer d’Internet. En vue du Sommet mondial sur la société de l’information, en 2003 et 2005, elles élaborent leur propre plate-forme de revendications sur la régulation du système mondial de communication.

Entre-temps se tiendra, en 2003, une autre session de la Commission sur le statut de la femme (CSW) des Nations Unies. La commission révisera la section J de la plate-forme de Beijing [www.un.org/womenwatch], dont l’objet est d’assurer aux femmes l’accès aux médias et de briser les stéréotypes féminins. En juin 2000, le caucus Femmes et médias de la conférence Beijing+5, à New York, avait critiqué la complaisance de la Déclaration de Beijing à l’endroit de l’entreprise privée et des institutions publiques qui freinent l’accès des femmes aux communications.

Les communications et l’information ne sont pas reconnues comme un droit humain fondamental. À l’encontre d’objectifs de développement social et humain, les accords internationaux (ALÉNA, ZLÉA, notamment dans les chapitres portant sur la propriété intellectuelle) déterminent l’accès aux moyens de communication à des fins uniquement commerciales.

Actuellement, la concentration de la propriété des moyens d’information s’observe partout dans le monde. Cela réduit d’autant la diversité des sources d’information et n’aide pas à promouvoir une image équilibrée de la condition féminine. Les femmes ne sont pas présentes dans l’information comme sujets d’intérêt. Elles n’y apparaissent pas davantage comme expertes ou dirigeantes. On en retrouve peu dans les postes de commande des médias [sur les femmes dans les médias : www.mediawatch.ca]. Le Web, le courriel et les listes de diffusion comblent en partie ces carences. Mais les femmes diffusent encore peu leurs idées par Internet, bien que son utilisation en ait aidé à maintes reprises, partout dans le monde lorsqu’elles étaient en difficulté.

Safiya Yakubu Hussaini a été condamnée à la peine de mort par lapidation, le 9 octobre 2001, par la Cour supérieure de Gwadabawa, au Nigeria. Son cas a rapidement fait le tour du monde, grâce aux médias traditionnels, mais les actions «en ligne» proposées par Women’s Rights Watch et Amnistie Internationale ont grandement contribué, par les pressions exercées sur le gouvernement, à faire suspendre sa condamnation à mort [www.cybersolidaires.org/actus/safiya]. La cour jugera à nouveau Safiya Yakubu Hussaini en janvier 2003.

Internet est devenu une tribune publique, autant pour la droite que pour les milieux progressistes, d’ailleurs. Les féministes doivent se l’approprier. Grâce à Internet, le monde des médias féministes indépendants s’élargit, mais leur nombre est encore limité et le multilinguisme y reste un problème.

Cependant, les structures non-traditionnelles des cybermédias citoyens rend difficile leur survie. Les thèmes proposés pour le Sommet mondial sur la société de l’information considèrent les besoins du point de vue des gouvernements et des entreprises des pays développés. Les féministes suggèrent d’aborder le Sommet du point de vue des gens, pour ensuite déterminer comment des problèmes comme l’accessibilité, la réglementation et la propriété intellectuelle peuvent être résolus.

Le troisième Congrès mondial des réseaux citoyens de l’ère numérique est le lieu tout désigné pour développer une plate-forme sur la communication citoyenne, les moyens d’action et les outils de sensibilisation. Sharon Hackett, coordonnatrice du contenu féminin pour GlobalCN 2002, rappelait «l’importance de cet enjeu, confirmé par six années (depuis Beijing+5) de changements massifs dans les médias à travers le monde». Ces changements, selon la déclaration du caucus Femmes et Médias, «sont porteurs d’1⁄4n potentiel énorme, autant positif que négatif, pour faire avancer ou bloquer l’avènement d’un ordre plus juste et équitable entre les genres». [www.womenaction.org/women_media/fr/intro]

Sur une charte féministe de la communication indépendante : les conférences de Bamako et de Kampala et la charte populaire de la communication et, au Québec, www.cybersolidaires.org.