La bande passante est une mesure de la capacité d’une connexion Internet. Depuis les débuts d’Internet, les utilisateurs veulent toujours plus de bande passante, pour pouvoir transférer des quantités toujours plus importantes de données comme, par exemple, de l’audio ou de la vidéo de haute qualité. Les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) cherchent, quant à eux, de nouveaux modèles d’affaires pour transformer cette demande en profit. Certains de ces modèles d’affaires soulèvent de vives inquiétudes quant à l’impact qu’ils pourraient avoir sur le futur d’Internet.

On parle de la création d’un « Internet à deux vitesses », où les traditionnels fournisseurs de contenu paieraient les FAI pour que le « netspectateur » accède à leur diffusion avec une plus grande bande passante ; reproduisant ainsi un peu le modèle de la télévision par câble. Des opposants à cette idée se sont réunis à la bibliothèque publique d’Ottawa, le 7 février 2007 dans le cadre de l’événement : « Net Neutrality: A Public Discussion on the Future of the Internet in Canada» auquel assistait Communautique.  Le panel était constitué de Ren Bucholz, de Michael Geist et d’Andrew Clement.

L’argument central de l’opposition est qu’Internet n’est pas un média à sens unique, comme l’est la télévision. L’internaute n’est pas que spectateur, il est aussi producteur de contenu. On craint qu’un Internet à deux vitesses ne restreigne la capacité de l’internaute à diffuser son propre contenu et concentre le pouvoir éditorial sur Internet aux mains d’une élite, de la même manière que le pouvoir éditorial des journaux et des chaînes télévisuelles est aujourd’hui concentré.

Cette idée spécifique de modèle d’affaire, d’un Internet à deux vitesses, entre à l’intérieur d’une problématique plus vaste : la neutralité du réseau ou le « Network Neutrality », qui fait beaucoup de bruit aux États-Unis. Les propriétaires de l’infrastructure de télécommunication occupent un statut particulier dans le monde Internet ; ce sont eux qui, techniquement, ont le pouvoir ultime sur le contenu qui passe par leurs fils. Ils peuvent en faire ce qu’ils veulent : le ralentir, le détériorer pour le rendre moins attrayant ou même le couper complètement ; en un mot : discriminer, que ce soit sur la provenance, la destination et la nature du trafic. À ce chapitre, il est important de noter que l’utilisation faite de l’expression : «établir une voie rapide» est l’équivalent sémantique parfait de «discriminer».

Bien que ces pratiques puissent être illégales dans certains cas, elles sont souvent difficiles à prouver. L’application de la loi n’a abouti à aucune condamnation à ce jour.

La voie privilégiée par les défenseurs de la neutralité du réseau est la mise en place de nouvelles réglementations, plus sévères, soutenant explicitement le principe. Ren Bucholz, d’Electronic Frontier Foundation, rappelle qu’une saine compétition entre les acteurs des télécommunications peut également contribuer à maintenir la neutralité du réseau.

À ce sujet, un élément inquiétant pour le Canada est que la propriété de la dorsale Internet y est beaucoup plus concentrée qu’aux États-Unis. Andrew Clement soutient que Bell est propriétaire de la quasi-totalité de la dorsale Internet au Canada. Ce fait nous distingue des États-Unis, où inquiète plutôt la concentration de la propriété de l’infrastructure qui permet la connexion des clients, soit le dernier kilomètre.

Le débat entourant la neutralité du réseau oppose deux importants groupes d’intérêts commerciaux : les fournisseurs d’accès Internet et les fournisseurs de contenu ; les premiers voulant faire payer les seconds. Google, par exemple, se fait un des principaux chevaliers de la neutralité du réseau. Il y a lieu de rester critique face à la position du géant du contenu : c’est bel et bien son modèle d’affaire qu’il défend, et non la liberté d’expression.

Le pari des mouvements citoyens défendant la neutralité du réseau aux États-Unis, comme savetheinternet.com, est que la volonté publique et celle de Google soit suffisamment en phase pour s’en faire un puissant allié. Pour ce qui nous concerne, Google ne semble toujours pas, à ce jour, s’intéresser outre mesure à la question de la neutralité du réseau au Canada, pas plus qu’aux attaques de la compagnie Rogers envers le protocole de communication Bittorrent.